SUBSTITUT

“Le point de départ de ce travail repose sur deux hypothèses : celle de considérer le football comme un objet artistique tout d’abord, comme un ersatz religieux ensuite. Un substitut dans les deux cas.

En tant qu’objet artistique, je souhaite prendre à contre-pied ce sport longtemps considéré comme un sport d’idiots. En faire un objet d’analyse, critique, esthétique et sociale, voire philosophique. C’est une approche que défendent les sources documentaires suivantes, sur lesquelles je m’appuie prioritairement : C’est pas grave d’aimer le football, documentaire de Hervé Mathoux et Laurent Kouchner (Canal+, 2020), ainsi que le colloque Artefilosofia intitulé Le Foot, pourquoi ?, dont, en particulier, Culture et Football et Généalogie de l’insulte (cycle de conférences donné en 2018 à la Sorbonne).

Concernant la dimension religieuse, je souhaite aborder le football comme le religion du XXIème siècle, un moment ritualisé, proche de la célébration eucharistique, qui nous raconte en tant que grande fable du monde, dans une société dont on dit souvent qu’elle manque de lien. Que ce soit de manière résistante ou propagandiste, la dimension religieuse est ici intrinsèquement liée à sa dimension politique.

Le football est aussi le reflet des inégalités de notre temps avec ces joueurs surpayés devenus de pures divinités vivantes et, comme jadis la religion, un miroir placé face à la complexité de l’espèce humaine. Ainsi, seront évoquées comme thématiques secondaires les conséquences que ses excès provoquent : le surinvestissement émotionnel/intellectuel de ses adeptes, jusqu’à la passion dévorante/destructrice dont il est l’objet, la recherche dé-raisonnée de performance et de virtuosité, entraînant des violences physiques et symboliques institutionnalisées contre ses joueur•euse•s jugé•e•s fragiles (esclaves hier, femmes et homosexuels aujourd’hui).

Enfin parlons du jeu : le dénominateur commun entre théâtre et football. Si les meilleurs joueurs du monde ne peuvent jouer sans plaisir, il en va de même pour nos acteur•trice•s. Mon intention sera de trouver ce juste point d’équilibre entre culture et plaisir, jouissance du verbe et magie du (en) mouvement. Cet équilibre, pondéré et ludique, sera un élément déterminant pour retrouver, chez des êtres pensants, la joie pure comme au temps de notre enfance.” Laurent Plumhans